LES PERSONNES À L’ORIGINE DU PROJET RESSOURCES ET ÉDUCATION SUR LES DROGUES

 

Chloe Sage (ELLE/LA)

Le premier jour de mon cours d’introduction à la sociologie, l'enseignant nous a demandé quel avait été notre premier moment de pensée critique qui nous avait poussé·e·s à agir. J’ai immédiatement levé la main. J’étais en troisième année. Le gouvernement de la C.-B. amorçait un programme d’abattage aérien de loups et je savais que c’était mal. J’ai créé une pétition que j’ai fait circuler dans mon école primaire et tous les enfants ont signé. Cette passion pour la justice a nourri ma vie, mon militantisme et mon travail. Je suis une femme blanche cisgenre issue de la classe moyenne, descendante d’immigrante·s juif·ve·s qui se sont installé·e·s sur ce territoire. Je consomme également des drogues. Je suis consciente que mon poste et mon lieu de résidence  me confèrent des privilèges et j’essaie dans mon travail de créer des environnements sécuritaires et inclusifs pour toutes et tous.

Pour moi, la réduction des méfaits est plus qu’une philosophie, c’est un mode de vie. Je me suis lancée dans ce monde il y a 17 ans en tant que formatrice en réduction des méfaits pour ANKORS, un organisme rural de la C.-B. qui œuvre dans le domaine. J’avais à créer des formations sur la réduction des méfaits en contexte festif et à les présenter dans des écoles. En réponse au programme DARE fondé sur l’abstinence, nous donnions aux jeunes de l’information factuelle sur les drogues et leurs effets et sur la façon de les consommer avec moins de risques. Chez ANKORS, j’ai occupé plusieurs fonctions liées aux  services offerts : formation, services de réduction des méfaits, soutien en matière d’hépatite C, réduction des méfaits en contexte festif et coordination du programme d’analyse de substances. À titre personnel, j’ai également créé un cours en ligne de sensibilisation au sujet des drogues et des surdoses, que j’offre aux employé·e·s d’entreprises.

L’arrivée de nouvelles substances psychoactives sur le marché illicite et l’augmentation des décès dus à l’offre de drogues toxiques ont mené ANKORS à créer en 2004 un service d’analyse de substances et de réduction des méfaits pour les festivals de musique. Je coordonne ce projet depuis 2009; je gère le recrutement et la formation et je coordonne la recherche et la logistique. Ce projet qui a commencé par une petite tente cachée dans la zone des commerçants du festival de musique Shambhala, et gérée par deux personnes, compte à présent une équipe de 70 personnes travaillant sous un énorme chapiteau bien en vue. Les participant·e·s à ce festival qui accueille 18 000 personnes font la file pendant deux heures pour faire analyser leurs substances. Plus de 35 000 analyses ont été réalisées entre 2004 et 2019. Ce projet, devenu centre de recherche et de formation sur les drogues et l’analyse de substances, attire maintenant l’attention à l’international. Le guide Drug Checking at Music Festivals: A how to guide (Sage et Michelow, 2016) a été utilisé par des groupes et des personnes de partout au monde qui désirent mettre sur pied un tel projet. En tant que consultante, j’ai aidé de nombreux groupes, tant au pays qu’à l’international, à planifier et à mettre en place des programmes d’analyse de substances et de réduction des méfaits en contexte festif. Au début de la crise des surdoses, j’ai commencé à offrir un service pilote d’analyse de substances au site fixe d’ANKORS; c’était le tout premier service d’analyse sans rendez-vous au Canada. En recherchant des technologies appropriées au projet, je me suis formée comme technicienne en spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR). En collaboration avec le British Columbia Centre on Substance Abuse, je forme également des technicien·ne·s en analyse de substances à la spectroscopie FTIR. Aujourd’hui, je suis coordonnatrice régionale de la réduction des méfaits à la Interior Health (une régie régionale de la santé en Colombie-Britannique) et j’offre également des services de consultation en réduction des méfaits et analyse de substances. La rédaction de ce guide, une affaire de passion, est un projet collaboratif que nous vous offrons avec plaisir.

Julie-Soleil Meeson (ELLE/LA)

Ma première exposition aux substances illicites remonte aux années 90. J’ai connu les débuts de la scène électronique à Montréal. Comme bien des jeunes de ma génération, j’allais dans des fêtes avec mes ami·e·s pour danser et je consommais des substances à l’occasion. Dans ces milieux, j’ai vécu des moments difficiles, de la violence, une surdose non mortelle d’une amie très proche et la surdose mortelle d’un ex-petit ami. J’ai aussi vécu de nombreux moments de tendresse, de réciprocité, de bonheur et de joie. Nous avons tous et toutes nos raisons pour consommer des substances : à des fins médicales ou thérapeutiques, pour le plaisir, pour être plus sociable ou parce qu’on a eu une dure journée au travail. Je sais que je suis privilégiée de n’avoir jamais été arrêtée, jugée ou ostracisée pour les substances que j’ai consommées.

La principale raison pour laquelle je me suis impliquée en sensibilisation aux drogues, en prévention et en réduction des méfaits est le manque d’information qui s’offrait à nous. Personne n’avait réellement les connaissances ou ne voulait même nous fournir d’informations fondées sur des données probantes et exemptes de jugements, à propos des drogues. Je suis de cette génération qui se faisait dire « Dis non à la drogue ». Cette politique mettait en danger tous ceux et celles que j’aimais et j’ai donc voulu agir.

Depuis 20 ans, je travaille donc pour la réduction des méfaits, l’évolution des politiques et le progrès de la justice sociale. Une de mes grandes passions est l’analyse de substances (AS), car c’est un excellent moyen d’entrer en contact avec les personnes et d’avoir des conversations sur l’usage de substances.  Je milite depuis dix ans pour l’inclusion de l’AS dans les services de réduction des méfaits au Canada. J’ai également eu le privilège de faire partie de l’équipe d’AS d’ANKORS au Festival Shambhala ces six dernières années. J’ai complété une maîtrise en criminologie et, dans le cadre de mon travail de réduction des méfaits en analyse des substances, j’ai pu rencontrer des personnes issues de différentes disciplines, comme la pharmacologie, la sociologie, les soins infirmiers, la médecine, le travail social et la chimie, de même que des personnes avec un vécu expérientiel. Ces contextes d’AS nous ont permis d’échanger nos connaissances et d’apprendre les un·e·s des autres.

J’ai le privilège d’enseigner sur les substances, la réduction des méfaits et les politiques sur les drogues. Je donne entre autres le cours Drogues et criminalité à la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal, au département de criminologie. Je travaille également pour l’Association des intervenants en dépendance du Québec où je suis responsable, contenus et valorisation de la pratique.

Nous espérons que le résultat de notre travail aidera à faire avancer les connaissances et contribuera à changer ces terribles politiques sur les drogues qui tuent nos ami·e·s et des membres de notre famille.

 Je suis une sœur, une mère, une amie, une éducatrice et une personne qui aime les personnes qui font usage de substances.

 
lie-Suleil Meeson
 

Jarred Aasen (IL/LUI)

@JarredAasen

J’ai toujours été passionné par l’acte de prendre soin des autres,  l’épanouissement personnel et la création de communautés fortes. C’est la raison pour laquelle je me suis impliqué dans ce domaine. Je suis né et ai grandi à Saskatoon, en Saskatchewan. En 2015, j’ai obtenu mon diplôme de l’École de pharmacie et de nutrition de l’Université de la Saskatchewan. Peu après, j’ai déménagé à Victoria, en Colombie-Britannique. Je voulais voir une autre partie du Canada et travailler dans une région où les politiques en matière de drogues ont toujours été plus progressistes. Ma contribution à ce guide est l’aboutissement de mon expérience de travail dans les domaines de la pharmacie, de la réduction des méfaits, des politiques sur les drogues et de l’organisation communautaire dans une variété de contextes.

Mon travail dans une pharmacie communautaire axée sur le traitement par agonistes opioïdes (TAO), pendant plusieurs années, m’a permis de comprendre les multiples causes de la consommation problématique de substances et par le fait même de dissiper une grande partie de mes préjugés et de ma désinformation.  La British Columbia Pharmacy Association m’a décerné son prix Excellence in Patient Care de 2021, pour mon travail. En tant que pharmacien qui délivre des substances réglementées de qualité contrôlée, il m’a semblé tout à fait logique d’offrir un service externe d’analyse de substances pour le marché non réglementé.

Une autre part de mon expérience en analyse de substances découle de ma participation à la mise en place de Lantern Services, premier site d’analyse de substances à détenir une exemption fédérale. L’étroite collaboration entre ce site et l’Université de Victoria a permis la publication de divers articles scientifiques. J’ai partagé mon expérience et mon savoir dans le domaine lors de plusieurs conférences et consultations auprès  d’organismes d’analyse de substances. L’article suivant présente mes travaux antérieurs et mon implication en analyse de substances. En plus du secteur communautaire, j’ai été technicien bénévole en analyse de substances pendant de nombreuses années dans plusieurs festivals de musique comme Shambhala, Bass Coast et Otherworld.

J’ai également le privilège de travailler avec la merveilleuse équipe du Vancouver Island Drug Checking Project, un projet de recherche universitaire unique soutenu financièrement par le gouvernement fédéral, pour mettre en place un service communautaire d’analyse de substances combinant recherche et service public. Grâce à ce projet, j’ai développé de l’expérience avec divers instruments permettant l’analyse de substances, y compris les bandelettes de test immuno-enzymatique, la spectroscopie Raman, la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR), la chromatographie en phase gazeuse avec spectrométrie de masse et la spectrométrie de masse par pulvérisation.

Il n’y a pas d’approche unique pour les substances. Le fait de les interdire complètement crée des environnements non sécuritaires pour les personnes qui en consomment; or les dangers résultants peuvent être atténués par l’éducation et le soutien. Prendre comme boucs émissaires les substances et les personnes pauvres et privées de leurs droits qui en font usage n’est pas une piste de solution équitable au nombre croissant de décès par surdose. Il est clair que la société est prête pour une discussion plus approfondie. Ma vie est intrinsèquement liée à mon travail et mon objectif est de faciliter le dialogue afin que nous puissions adopter des approches plus holistiques de la santé.

Ce que je désire, c’est que toutes et tous aient la possibilité d’être la meilleure version d’eux-mêmes.